La maturité de bloguer
Sa maturité vient également avec l’âge. « À 30 ans, dès que j’élevais la voix, je me croyais en échec. Aujourd’hui, je ne me flagelle plus. » On en revient toujours à la fameuse confiance en soi, clé de l’équilibre. « À un moment, tu voies que tes gamins vont bien et tu arrêtes de douter de toi. Mais ça prend du temps: je ne connais pas de mère rock’n’roll à 25 ans! » Et elle concède ne s’être pas pour autant complètement débarrassée de la pression du regard des autres. « Il m’arrive de ne pas leur faire de shampoing pendant une semaine, mais je m’arrange pour que les vêtements soient présentables! », plaisante-t-elle. Sa soeur cadette l’inspire beaucoup dans son apprentissage de la maternité. Infirmière peu portée sur Montessori et l’éducation positive, elle a une approche pragmatique qui l’aide à relativiser les discours ambiants ultra précautionneux. « Elle ne se pose pas la question de ‘tétine’ ou ‘pas tétine’ », résume Agnès. De par son expertise, « elle sait ce qu’est une urgence ». Parmi tout ce qu’Agnès a partagé avec ses lectrices, son idée d’éducation approximative est celle qui me séduit le plus. « J’ai été élevée par un père assez autoritaire qui disait beaucoup ‘non’ sans forcément se justifier et par une mère qui nous laissait faire ce qu’on voulait. Entre les deux, je n’ai pas choisi mon camp. » Elle donne l’exemple des écrans, l’un des nombreux sujets sur lesquels elle n’a pas de position complètement tranchée. « La télé allumée en continu pendant les repas, pas question, mais chacun des deux grands a son iPad à disposition sans interdit. » Elle réfléchit, sourit. « Parfois je lance ‘Ce week-end, pas d’écran!’ et tant pis si les enfants ne savent plus sur quel pied danser. S’il m’arrive de changer d’avis, j’affirme toujours les choses avec conviction. » Elle croit ce qu’elle dit au moment où elle le dit, ses enfants le sentent. Côté alimentation, Agnès est encore plus relax: « Je m’en fous totalement. » Une position aux allures de contre-scénario: « Quand j’étais petite, la cantine a développé chez moi des phobies alimentaires terribles. On nous forçait, nous mettait au piquet, certains vomissaient dans leur assiette. » Les conséquences se font encore sentir aujourd’hui: « Je ne peux pas manger un fruit. » Pour limiter les problèmes avec ses propres enfants, elle se contente de leur faire de tout et de les laisser manger ce qu’ils veulent, sans y mettre le moindre affect. Plus je l’écoute, plus elle me fait l’effet d’une anti Working Girl des eighties. Alors que ces dernières devaient donner l’apparence de « tout » réussir, Agnès désosse chacune de ses fragilités devant nous, sans honte et en toute sincérité. Elle ne voit pas non plus d’inconvénient à révéler ses failles à ses enfants, reconnaissant qu’il lui est quelquefois arrivé de pleurer devant eux. « Certains mercredis, je leur dis ‘maman est fatiguée, vous restez tous au centre des loisirs.’ Ils protestent, mais je leur dis que j’en ai besoin. C’est ma théorie du masque à oxygène: en cas de problème, je commence par le mettre sur moi pour pouvoir ensuite m’occuper d’eux. Je sais qu’il faut que j’aille bien pour que mes enfants aillent bien. »